42 ans ont passé mais les souvenirs sont intacts. Et l’émotion palpable. Devant 200 élèves de Terminale du lycée d’Avesnières à Laval, Elena Alfaro a raconté comment la dictature argentine lui a enlevé son mari et de nombreux amis.
19 avril 1977, elle est enceinte de deux mois. Elle vit alors dans la clandestinité avec son mari, syndicaliste opposant au régime argentin.
« Un jour, mon mari parti à un rendez-vous ne revient pas. Je m’inquiète. Ils sont venus me chercher. Ils m’ont emmenée, cagoulée, dans une première pièce, une salle de torture. Je vois mon mari, j’entends mes copains. Ils nous ont laissés quelques instants. Il était vivant, mais détruit physiquement. La déshumanisation, c’est abominable. »
Transfert dans un camp de détention
Puis c’est le transfert dans une belle maison. « Mais à l’intérieur, c’est un camp de concentration, pas un camp comme pendant la Seconde Guerre mondiale, un camp de détention. J’y ai perdu la notion du temps. J’étais attachée par terre à une chaîne, cagoulée. C’était interdit de parler. »
La résistance commence. « Au bout d’un moment, on a réussi à communiquer un peu, on arrivait à remonter un peu la cagoule... »
La dernière fois que je les ai vus vivants
Jusqu’à ce jour où Elena est appelée avec son mari et ses compagnons d’infortune dans un endroit qu’on appelle la piscine 17. Là, elle a le droit d’enlever sa cagoule
« Ce que ça signifie à ce moment-là, c’est énorme ! Jusqu’à ce qu’on m’appelle pour que je sorte du groupe. C’est la dernière fois que je les ai vus vivants. »
La vie sauve grâce à sa grossesse
Si Elena a eu la vie sauve, c’est grâce à sa grossesse. La dictature organise le vol systématique des bébés.
En octobre, alors qu’elle rencontre un général « qui vient pour décider de [sa] mort », elle joue la stupidité et la ferveur catholique, la hiérarchie de l’église était favorable à la dictature de l’époque. « Ce que j’ai vu dans ses yeux, c’est de la haine ! »
Pas de risque pour la dictature avec cette femme, après sept mois d’enfermement, Elena est libérée vingt jours avant de donner naissance à son fils.
Venue en France pour sauver ma vie
Cinq ans plus tard, elle réussit à s’enfuir avec son enfant. « Je suis venue en France pour sauver ma vie. Au début, je suis arrivée en Espagne, mais le système franquiste me faisait penser à ce que j’avais vécu. »
Aujourd’hui, elle témoigne pour que tout ça ne recommence plus. « C’est vrai que c’est dur émotionnellement, mais ce que j’ai vécu, il faut que ça serve à quelque chose. Pour arrêter la haine qui bouillonne dans notre société. »
Lorsqu'on connaît le processus, on peut l'arrêter
« La dictature, ça n’arrive pas d’un coup, a-t-elle rappelé aux élèves. C’est un processus. Lorsqu’on connaît le processus, on peut l’arrêter. Ça commence doucement, par la stigmatisation. L’indifférence, c’est très important. Les gens disparaissaient. Mais on se disait “ils viennent chercher les communistes, je ne suis pas communiste. Puis, ils viennent chercher les Juifs, je ne suis pas juive.” Puis un jour, ils sont venus me chercher, c’était trop tard. »
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