Le 29 janvier 2016, le corps sans vie de Jorel Prawitz était retrouvé sur la route zone artisanale de la Gaufrie, à Laval. Le jeune Cosséen, alors âgé de 20 ans, avait été pris en stop par deux hommes appartenant à la communauté des gens du voyage. Face aux circonstances troublantes de l'accident, Marilyn Berthereau, sa mère, a mené le combat pendant quatre ans pour tenter d'établir la vérité. Le conducteur du fourgon a été relaxé, jeudi 2 juillet.
Comment avez-vous vécu l'annonce du délibéré ?
Je n'ai pas voulu y aller. Lors du procès, cela avait été trop dur. J'aurais aimé dire à la présidente du tribunal que je n'avais pas du tout apprécié son attitude par rapport à nous, la famille. On s'est sentis agressés. Mais je n'ai pas pu, on ne peut rien dire à ces gens-là. Humainement, ce sont des choses qui me choquent. Depuis, je suis suivie par un psychologue de l'Adavip (Association départementale d'aide aux victimes d'infractions pénales) qui m'aide à évacuer. Le procès a été repoussé une fois. Le délibéré aussi. Ils ne se sont jamais souciés du fait qu'on était dans l'attente. C'est inhumain. On a des lois pour les hommes, mais on ne se préoccupe pas du tout des hommes.
Une relaxe totale, je ne m'y attendais pas. Je ne comptais pas sur une peine importante après ce qu'avait dit le procureur de la République (NDLR : deux ans de prison dont un an ferme requis). Déjà, c'était insuffisant. Mais la relaxe, ça a une symbolique énorme : ça veut dire que le seul responsable, c'est mon fils, parce qu'il faisait du stop, qu'il est monté dans ce véhicule, etc. C'est une deuxième peine pour nous. Admettons qu'il y ait une part de responsabilité, qu'il soit monté bien qu'à l'arrière du fourgon il n'y avait ni siège ni ceinture : mais où est la responsabilité du conducteur ?
La justice passe au-dessus des lois. On est quand même partis d'un homicide involontaire, pour en arriver au fait que seul mon fils est responsable. On marche sur la tête.
Y aura-t-il appel de cette décision ?
Mon avocate a posé la question au procureur. Il a répondu que non. Par rapport à ce qui avait été requis, pourquoi se conformer à cette décision ? Je n'y comprends rien. Pour résumer, s'il arrive quelque chose à un auto-stoppeur aujourd'hui, celui-ci est le seul responsable. Le conducteur peut faire n'importe quoi, il ne sera pas condamné. C'est du déni de justice.
"Jorel est toujours là"
Des questions restent-elles encore sans réponses ?
Durant le procès, on a essayé d'avoir d'autres aveux, en vain. Au bout de quatre ans, on ne sait toujours pas ce qu'il s'est passé. Il y a leur version à eux, mais on n'a pas de preuves qu'ils disent la vérité. Je veux bien les croire, mais c'est insuffisant. Est-on sûr que Jorel est monté dans le véhicule en sachant qu'il n'y avait pas de siège à l'arrière ? Il faisait sombre, il ne levait pas encore le pouce : ces éléments sont dans le dossier de police. J'ai aussi fait mon enquête, pour m'informer sur les personnes installées sur l'aire d'accueil. Je suis ouverte, humaine, non discriminante. Mais il y avait une grosse problématique là-bas. Il est aussi surprenant que l'enquête judiciaire ait autant tardé à être lancée. Mais parti comme c'était, et parce que j'ai suivi l'enquête de près, j'ai tout de suite su qu'on ne saurait jamais la vérité.
L'enquête est partie du fait que les deux personnes dans le fourgon disaient vrai.
Est-ce possible de faire son deuil sans connaître la vérité ?
Je pense que oui. Je ne m'arrête pas qu'aux faits, au côté matériel. Jorel est parti, il a quitté son corps, mais il est toujours là. Dans la maison, il y a des photos de lui. Il me regarde, m'envoie des signes que j'interprète. Et il me donne la force. Vous appelez les gens qui vous soutiennent à honorer la mémoire de votre fils. Oui, c'est important pour Jorel, dans la reconnaissance de ce qui lui est arrivé. Beaucoup de personnes, des amis, ou même des inconnus, ont suivi l'affaire et aimeraient aussi savoir la vérité. Je suis allée déposer une rose (NDLR : un rosier en mémoire du jeune homme a été planté au bord de la route qui traverse la zone d'activités de la Gaufrie).
Quelle image garderez-vous de Jorel ?
Il est là, en train de me sourire, avec un petit regard en coin. On avait une super relation, je ne peux avoir qu'une belle image. Je voudrais espérer qu'il soit parti dans de bonnes conditions. Je voudrais que cela se soit passé comme ils disent. Mais ce n'est que leur parole. Il est aisé de mettre toute la responsabilité sur un mort quand il ne peut s'expliquer.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.