Une histoire enfouie. Loin. Jean-Baptiste Bichon, en terminale littéraire au lycée Ambroise-Paré à Laval (Mayenne), a pris son courage à deux mains. Il a écrit pour éteindre les dernières braises qui remontent à la surface. Il s’est livré. Sur son enfance difficile, auprès d’un père impulsif et d’une mère à laquelle il tient « plus que tout ».
Se mettre à nu devant une feuille n’est pas si aisé. À 17 ans, il s’est battu contre ses souvenirs, ses regrets et ce qu’il aurait voulu changer pour « enterrer cette histoire ».
Une écriture organisée par la Ligue des droits de l’Homme. Le sujet : « Se reposer ou être libre ? » Jean-Baptiste Bichon s’est lancé dans le projet. Il a longtemps cherché une histoire fictive.
« Je ne trouvais pas. Assez vite, j’ai compris que je pouvais raconter mon histoire. J’ai écrit cinq heures d’affilée pour ne pas me perdre et que ça paraisse naturel. »
« Il a fait de ma vie un enfer dont je ne pensais jamais pouvoir m’enfuir »
Son œuvre, qui s’apparente à une nouvelle, s’intitule « Parcours du combattant ». « J’ai appris cinq minutes avant de rendre qu’il fallait un titre. C’est la première chose qui m’est venue. J’aurais aimé le changer même si je n’ai pas d’idée », s’amuse le futur étudiant en psychologie à Angers.
Dans cette nouvelle, il raconte trois années de sa vie, de sept à dix ans, juste après le divorce de ses parents. Au moment de faire un « choix cornélien », écrit-il. « Nous n’étions pas cette famille normale, ou si, nous pouvions l’être mais seulement lorsque nous recevions des convives ou allions dans la famille de mon père. Concernant ma décision de vivre avec ma mère, elle était limpide. Je ne voulais plus jamais revoir l’homme qui a gâché seize ans de ma vie désormais. En réalité, il ne les a pas gâchées, il en a fait un enfer dont je ne pensais jamais pouvoir m’enfuir. »
Si le bachelier a « essayé d’être concis, sans donner trop de détails pour éviter la victimisation », il raconte de grandes souffrances :
« Voir son père pousser, frapper et agresser sa mère sur un parking quand ce dernier vous a enfermé dans sa voiture sans aucun moyen d’aller sauver ou prendre des coups à sa place. » Ce père, « imposant et terrifiant, pour avoir été témoin de ses colères effrayantes ».
Une confrontation comme déclic
Il explique aussi le supplice des procédures et des entretiens réguliers avec les assistantes sociales, « ces amatrices », comme il les définit. Son histoire se termine par la confrontation avec son père. « Du haut de mes 1m30 ou peut-être 40 à l’époque, j’ai réussi à̀ faire abdiquer le monstre en le mettant dans une situation inconfortable où il n’avait plus que deux solutions pour me faire taire : me donner ce que je souhaitais, une vie calme et paisible avec ma mère, ce qui l’excluait bien évidemment de cette alternative, ou m’abandonner quelque part où on ne m’aurait jamais retrouvé. »
Près de 1 100 mots qui lui ont valu une récompense départementale. Il a aussi été nommé pour concourir au concours national de ce prix. 1 100 mots pour « se libérer d’un poids. C’était comme un grand silence », lâche-t-il sobrement.
Un passé douloureux dont Jean-Baptiste Bichon sort différent.
« Vivre des choses difficiles fait grandir. J’ai appris à me débrouiller assez vite. » Ce jeune adulte ne veut susciter ni pitié, ni compassion. « C’était ma manière de dire au revoir à cette histoire. »
Sa mère, à qui il ne voulait pas rappeler de mauvais souvenir, a insisté pour lire. « Je n’ai pas voulu qu’elle m’en parle. Elle m’a simplement dit qu’elle était fière de moi », raconte-t-il avec émotion.
« Il est de ces élèves qui marquent »
« Il est de ces élèves qui marquent », explique Michel Peneau, proviseur du lycée Ambroise-Paré. Son œuvre, « poignante et forte », selon Frédéric Besnoist, coordinateur du projet, aussi.
Fier de la récompense et de son travail. Surtout de son parcours pour être ce jeune homme, qui, du haut de ses 17 ans, a déjà affronté la vie et est prêt à recommencer. Certains ont vécu la même chose. Elle fait écho chez d’autres. Elle peut continuer à résonner, à inspirer aussi.
« C’est une phrase bateau mais il faut toujours se battre, ne jamais lâcher ou abandonner. Mon histoire démontre qu’on ne peut compter et se reposer sur personne d’autre que soi-même pour gagner ce combat pour la liberté qui n’est pas une vertu innée mais à acquérir à force de ténacité et de détermination car se reposer n’est pas une option mais une capitulation. »
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