Elle a rassemblé tout son courage pour pousser la porte de ce café lavallois. À l'occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes ce jeudi 25 novembre 2021, Dominique Goursaud témoigne pour la première fois des violences qu’elle a subies au sein de son couple pendant quarante-sept ans. « Je le fais pour protéger les autres », confie simplement la retraitée lavalloise de 72 ans. C’est la voix serrée qu’elle revient sur cette « histoire d’amour et d’emprise ».
"Mon mari venait d’une famille où le père était violent"
« On s’est marié en 1970 et on a rapidement eu un enfant. Je savais que mon mari venait d’une famille où le père était violent. Je me souviens que ça m’avait profondément choquée. Moi j’avais été élevée par un couple équilibré. Chez nous, les filles devaient être instruites au même titre que les garçons, on était libres. Je me suis toujours considérée comme féministe. »
Rapidement la situation se dégrade dans son couple.
Dents cassées, yeux au beurre noir, strangulations...
Elle se rend plusieurs fois au commissariat mais fait demi-tour devant la porte. « Le commissaire était un ami de mon père, j’avais peur que ça se sache. À cette époque on n’en parlait pas. »
En 1973, elle demande le divorce. « Il m’a convaincue d’arrêter la procédure. Je n’arrivais pas à partir, j’étais très amoureuse. » Le couple a deux autres enfants et les violences continuent.
En parallèle, elle travaille dans une radio locale, est déléguée des parents d’élèves, bénévole pour du soutien scolaire, conseillère municipale… « Les gens n’auraient jamais cru ça car je me réalisais. »
"Je suis retombée dans le panneau"
Elle finit par déposer plainte. « J’ai eu la chance inouïe d’être écoutée par une jeune policière. Malheureusement il n’y a pas eu de poursuites. » Des années plus tard, elle obtient le divorce. « Le déclic, ça a été le départ des enfants de la maison. »
Elle déménage en Bretagne. « J’avais la cinquantaine, ce n’est pas facile de se reconstruire. » Mais son mari revient frapper à sa porte. « Je n’avais plus trop de revenus, il m’a offert un travail. Je suis retombée dans le panneau. Ce n’est pas rationnel », reconnaît-elle. Elle restera encore dix-sept ans avec lui. « Les violences ont repris mais différemment : il me rabaissait, découpait mes vêtements, mettait la maison en vrac. Mes enfants me disaient de partir mais c’était compliqué parce que je travaillais pour lui. Et puis, on pense toujours à la famille, aux petits-enfants », soupire-t-elle.
Mais en 2017, elle dit stop définitivement. Elle s’installe peu après dans le quartier du Pavement à Laval et pousse la porte de l’association La Citadelle.
Militant au sein du collectif Nous Toutes
Elle découvre aussi le collectif Nous Toutes à la télévision lors de la première marche en novembre 2018. « Je m’étais promis que quand j’arriverais à le quitter je m’engagerais. Devenir militante était un devoir. J’ai besoin de sensibiliser la société pour faire progresser nos droits, pour plus de prise en charge des victimes… Les hommes de ma génération, même en ayant porté plainte, restent impunis. Mon mari ne m’a jamais demandé pardon, il est dans le déni. Et je n’aurai pas de prestations compensatoires car il y a prescription depuis 2018. »
Avec le collectif, elle mène des actions proposées par les militantes : collages, création d’un groupe Facebook (Nous Toutes 53), formations… « Et j’ai proposé d’imprimer des violentomètres sur les sacs à pain avec les numéros utiles. » Une initiative qui a été mise en place par la municipalité de Laval en préambule de la journée contre les violences faites aux femmes ce 25 novembre.
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