« La situation est brutale et anxiogène. » Une formule lourde d'angoisse que l'on peut lire dans la lettre ouverte des artisans de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) des Pays de la Loire, datée du 22 mars 2022.
Depuis deux ans, la filière bâtiment ne voit pas le bout du tunnel. « Au sortir de la crise sanitaire, le regain d'activité ne nous a pas pour autant mis à l'abri du danger », souligne la Capeb dans ce texte.
Les responsables régionaux du syndicat s'y adressent à l' « ensemble de la filière ». Ils détaillent les difficultés rencontrées par les entreprises du secteur, appellent à « une solidarité et à une honnêteté économique de l'ensemble des acteurs ».
Une situation "catastrophique"
Une « inquiétude » totalement partagée par Gaëtan Manceau, patron de l'entreprise du même nom à Mayenne.
Spécialisé dans la charpente, la couverture et l'extension de constructions en bois, il déplore une situation « catastrophique » causée par les hausses de prix, les allongements des délais de livraison et les pénuries de matériaux, principalement sous l'effet de la guerre en Ukraine.
« En ce qui concerne la filière bois, nous avions déjà souffert du Covid l'année dernière, avec le marché américain qui venait se fournir en Europe, faisant flamber les prix. Sur certains produits, j'ai vu des augmentations de 300 % », illustre-t-il en désignant une palette de bois derrière lui.
En janvier 2022, les choses semblaient revenir à la normale. « Jusqu'à ce que M. Poutine s'en mêle... » énonce, amer, le chef d'entreprise.
« Travailler à perte ou ne plus travailler du tout »
Les problèmes d'approvisionnement concernent l'ensemble des filières du bâtiment. « L'Ukraine et la Russie sont de gros fabricants de matériaux : acier, bois, alu... »
Les usines détruites en Ukraine et les sanctions économiques contre la Russie forcent les entreprises à se tourner vers d'autres fournisseurs. « Ils profitent de la hausse des prix ou ne peuvent tout simplement pas suivre. » S'ajoute à cela le coût de l'énergie et du carburant.
Résultat, les délais s'allongent et les prix s'envolent. Si bien que les entreprises ont du mal à s'engager auprès de leurs clients.
Les artisans disposent d'un indice de révision de prix de 2 % sur les devis qu'ils réalisent. Dans sa lettre ouverte, la Capeb demande la « refonte du calcul » de cet indice, qui est à mille lieues de refléter l'amplitude actuelle des variations.
« Quand on a vu arriver les hausses de prix de l'année dernière, on a demandé à nos clients de signer vite, pour pouvoir commander rapidement, avant que les prix ne montent trop, explique Gaëtan Manceau. Mais certains fabricants ont modifié leurs prix à la livraison, parfois de 150, 200 voire 300 % ! »
D'où cette autre demande de la filière :
Car, d'après Gaëtan Manceau, « on ne sait pas ou on va à très court terme ».
Cette situation coûte de l'argent mais aussi du temps aux entreprises. « Depuis que c'est médiatisé, les clients comprennent. Ils se rendent compte que c'est général et que ça ne vient pas de l'entreprise. Mais c'est quand même du temps de discussion pour les services achats. »
Installé depuis sept ans, Gaëtan Manceau est habitué à une inflation annuelle de 4 à 5 %. Mais un tel niveau, c'est du jamais vu. « Y compris pour des confrères qui sont là depuis beaucoup plus longtemps. »
Pour l'entrepreneur mayennais, la situation est « urgente ».
Il espère - mais ne les attend pas avant les élections législatives - des mesures de la part de l'État : « Revoir les modalités du prêt garanti par l'État, une réduction de la TVA à 5,5 % sur tous les travaux... »
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