« Ça n’avance pas. Les délais sont impossibles. » Pour cette éleveuse laitière à Mayenne communauté, l’heure de la retraite approche, mais semble ne pas vouloir arriver.
Elle se heurte à un obstacle que beaucoup d’exploitants rencontrent au moment de céder leur ferme : la difficulté à transmettre. « Tant que l’argent ne sera pas sur notre compte, j’estimerai que ce n’est pas fait » : c’est ainsi qu’elle explique son souhait de ne pas voir son nom apparaître. Elle craint que le potentiel repreneur qu’elle et son mari ont trouvé ne reçoive une autre offre et ne leur file entre les doigts.
Pourtant, le courant semble passer, mais les démarches n’en finissent pas. Cette année, ce sera leur « dernière saison de vêlage : on se laisse jusqu’en 2026 ».
En attendant, elle participe à un café rencontre destiné aux agriculteurs du territoire qui cherchent à transmettre leur ferme. Ou qui commencent à y réfléchir, comme cette autre participante qui, pour les mêmes raisons, a souhaité rester anonyme.
Organisé par l’association de développement de l’emploi agricole et rural en Mayenne (Adearm), ce temps d’échange a pour but de « créer du lien entre cédants, qu’ils se rendent compte qu’ils ne sont pas seuls et que l’expérience des uns peut apporter quelque chose aux autres », expose Noémie Coquereau, accompagnatrice à la transmission au sein de l’association.
Autour de la table, au fond du Bar à Thym, de Grazay, se trouve aussi Justine Rondeau, agricultrice de 38 ans. Elle élève des vaches laitières à Jublains, avec ses parents, qui se préparent à quitter l’exploitation. Elle se cherche donc un associé pour leur succéder car, toute seule, la tâche serait trop lourde. « Il faut qu’il adopte la ferme, mais aussi l’associée », souligne-t-elle.
Après plusieurs contacts infructueux, elle semble avoir trouvé quelqu’un qui corresponde. Reste à pouvoir effectuer un stage de parrainage, « pour qu’il prenne le temps de s’adapter, de faire connaissance avec l’exploitation ». Mais « on ne trouve personne pour répondre à nos demandes de renseignements », déplore-t-elle.
Pour la première exploitante, ce qui bloque, c’est la banque de son potentiel successeur.
De plus, la pré-étude effectuée par la chambre d’agriculture préconise au repreneur d’augmenter fortement la production de l’exploitation. « Ils lui recommandent 425 000 litres de lait par an. Actuellement, nous en produisons 130 000 de moins, à deux. »
Un diagnostic incompréhensible pour l’éleveuse : « Notre modèle fonctionne et il veut le conserver. Il sait ce qu’il fait, ce n’est pas un novice. » Le problème, c’est qu’une telle augmentation nécessiterait des investissements et des embauches. Et la banque se base sur cette étude pour accorder son prêt. Il faut donc retravailler les chiffres, ce qui veut dire toujours plus de longues démarches.
Les participants au café remettent en cause ce modèle basé sur « d’énormes capitaux, qui ne laissent pas indifférent, analyse Antoine Ponton, éleveur à Saint-Georges-sur-Erve et membre de l’Adearm. Il y a dix ans, j’ai racheté ma ferme pour 110 000 €. J’étais un rigolo : la moyenne était autour de 350 000 €. Les petits projets sont discrédités, alors que ce qui compte, c’est d’en vivre. »
Les candidats à l’installation semblent fuir l’élevage. C’est en tout cas le sentiment général autour de la table. « Ça leur fait peur. »
Pour y remédier, les idées fusent :
« Ne peut-on pas se regrouper, mettre en place un numéro ou un service national ? » suggère la deuxième éleveuse.
Pour Antoine Ponton, il est en tout cas nécessaire de « renouveler la population agricole, d’aller chercher dans d’autres milieux. Il n’y a plus assez d’enfants d’agriculteurs. Et de sortir de ce modèle qui n’a pas réussi à régler le problème de nourrir le monde et qui ne répond pas aux enjeux du climat. »
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