Dans les rues de cette petite cité de caractère, située au creux de la vallée de l'Ernée et reconnaissable parmi mille grâce à son rocher de la vierge, tout semble normal ou presque.
En arrivant à Chailland depuis la D31, qui relie Ernée à Laval, on remarque des tentes installées sur la pelouse, à droite, aux abords du stade. Un camp d'été a pris possession des lieux. Les enfants sont là, ils jouent, crient, rigolent, s'amusent. C'est un début d'été ordinaire sauf que, 50 mètres plus loin, une rubalise jaune de la Gendarmerie nationale entoure une maison et laisse deviner les terribles événements qui se sont déroulés ici, il y a une dizaine de jours : le meurtre de Jean-Claude Havard, ancien élu municipal et garagiste, et la tentative de meurtre sur une habitante de 26 ans, intervenus trois jours après l'inhumation d'une autre Chaillandaise, tuée à Angers.
« Avant, on laissait tout ouvert »
Dans le centre-bourg, un peu plus bas, l'après-midi se termine. Deux enfants accompagnés par leur mère passent devant l'église. Ils reviennent ensemble de la garderie, située à quelques mètres de là. Une situation ordinaire qui ne l'est pas vraiment pour cette famille qui a dû prendre de nouvelles habitudes depuis le fait divers. « Ils ne rentrent plus seuls. On emmène constamment nos enfants désormais. On leur laisse moins d'autonomie qu'avant », explique la mère de famille. Puis sa fille commente : « Oui, il y a plus de monde à la garderie que d'habitude. »
Si les habitants se disent soulagés depuis l'arrestation du suspect, beaucoup admettent vérifier encore plusieurs fois le verrou de leur porte. « On laissait tout ouvert avant. C'est un village », confient plusieurs habitants. Malgré cette réaction ou « psychose », comme décrivent certains, psychose qui semble moins toucher les jeunes, qui disent volontiers « laisser les portes ouvertes », les Chaillandais ouvrent la leur plutôt facilement en cette veille de fête communale. Évoquer les événements reste encore délicat. Le village, habitué au calme, s'est retrouvé au cœur de l'attention. Les funérailles passées, certains habitants aspirent à retrouver une vie normale. « Passer à autre chose sans oublier », résume l'un d'entre eux. Mais nombreux sont ceux parlant d'incompréhension. Par exemple : « Pourquoi le portrait du fugitif a-t-il été diffusé aussi tard ? » C'est une des questions soulevées par un habitant dans un courriel reçu par le maire et le directeur du cabinet de la préfète. « Ça ne va pas le faire revenir (NDLR : Jean-Claude Havard) mais on veut comprendre. » Quelques-uns font part de leur peur concernant des divisions au sein d'un village décrit comme « plutôt uni ». Certains en veulent à la municipalité, d'autres aux enquêteurs, d'autres encore à ceux qui critiquent trop, notamment sur les réseaux sociaux. L'auteur de ce texte, félicité par nombre d'internautes après sa publication sur Facebook, assure vouloir « seulement soulever un problème et ne pas vouloir la guerre ».
Minute de silence
Le lendemain soir, le village a endossé son costume de fête pour 24h. Plus de 600 personnes sont rassemblées, en cette veille de fête nationale, sur la place de la mairie. Beaucoup de Chaillandais mais pas seulement. Et si les événements récents sont encore au menu du jour dans les conversations, « la fête ramène du monde de l'extérieur, ça change un peu les discussions », se satisfait un bénévole. « Certains avaient parlé d'annuler la fête mais il faut continuer à vivre et c'est ce que nous a dit la préfecture : de vivre. » À table, on parle parfois de Jean-Claude, on dit qu'on le connaissait. On avance sa théorie, on évoque les incompréhensions, on débat sur le maintien du bal des pompiers, sur la diffusion du portrait. « Si elle dit l'avoir vu, il faut qu'elle le signale. Ça va aider l'enquête », entend-on. Dans le déroulé, c'est une fête champêtre classique, avec son repas, son feu d'artifice, son bal. Seule une minute de silence rappelle le drame. « Avant ça, on n'y a pas pensé ce soir », confie une Montenaysienne tout de même marquée par les événements.
Le feu d'artifice tiré lors de la fête communale, le 13 juillet. - Gilles Augereau
Le lendemain midi, vendredi, il y a presque autant de personnes à table (1 100 tickets) que de Chaillandais (1 200). Là aussi, pour les organisateurs, « il faut revivre même si on pense aux familles ». Plus de 120 bénévoles de neuf associations se sont mobilisés pour cette journée. Une volonté claire d'avancer, de moins y penser et même « de mettre sous le tapis », imagent certains. Mais les lieux sont marqués. « Quand on passe devant, on y pense un peu », souffle un jeune dont les « parents habitent à 50 mètres de chez Jean-Claude ».
Une chose est sûre pour tous : cette histoire « restera dans les têtes pour longtemps ». Il faudra du temps pour digérer. « On espère qu'à la rentrée, on retrouvera une forme de normalité », termine une habitante.
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