Dans un premier temps, avez-vous évalué combien de soldats ont été fusillés pendant la Première Guerre mondiale ?
J'ai répertorié 639 soldats fusillés pendant la Grande Guerre. Ils l'ont souvent été au début du conflit. À ce moment-là, l'armée française est débordée de tous les côtés. Après 1916, le nombre diminue, mais dans les premiers mois, c'est quasiment un fusillé par jour. Quand on fait les statistiques, 1915 est l'année où l'on trouve le plus grand nombre. C'est le moment où les soldats refusent d'avancer.
En 1917, il y a des mutineries, mais beaucoup moins qu'au début de la guerre et elles ne provoquent pas autant de morts.
Toutefois, la liste des fusillés est plus grande. Il y en a environ 770 en tout, mais tous n'ont pas été victimes d'injustice. Chaque soldat a une petite fiche dans des dossiers "Morts pour la France". Ils sont quelques milliers à ne pas être dans ces fichiers et parmi eux, des fusillés.
Comment vous êtes-vous passionné pour cet épisode de la Grande Guerre ?
Je me passionne pour cette guerre depuis longtemps, et j'ai toujours été attiré par le "petit peuple", ceux qui se trouvent dans la gadoue lors des combats. En lisant les carnets des poilus, j'ai eu du mal à supporter cette injustice dont certains étaient victimes.
Pourquoi considérez-vous ces morts comme une injustice ?
Il faut savoir que je considère comme des victimes de cette injustice celles qui l'ont été en raison d'un refus d'obéir à un supérieur, pour un abandon de poste ou bien en raison d'une blessure volontaire ou non. À cette époque, les militaires étaient envoyés en cas de blessure suspecte devant un médecin qui examinait la plaie. S'il y avait une présomption de blessure volontaire, en général, le soldat passait devant un peloton d'exécution. La justice militaire était très rapide.
Ces victimes servaient d'exemple, comme un message envoyé à tous ceux qui se battaient sur le front.
Parmi les 639 soldats, vous avez répertorié trois Mayennais. Qui étaient-ils ?
On retrouve Léon Taron, originaire de la Cropte. Il est né en 1881. C'est un soldat du 117e Régiment d'Infanterie. Il est marié, sans enfant. On apprend sur une note qu'il est fusillé dès le début de la guerre, le 19 octobre 1914, en raison d'une mutilation volontaire.
Victor Brisard, lui, est un soldat du 124e RI né le 1er août 1889 à Montsûrs. Il est célibataire. Il est fusillé le 17 avril 1915 dans la Marne, à Baconnes, pour abandon de poste en présence de l'ennemi. Pour la justice militaire, il s'agissait là d'une des fautes les plus graves que puisse faire un soldat.
« C'était une honte pour la famille »
Le dernier fusillé est un cas un peu particulier...
Le dernier, Eugène Jean-Marie Bellanger, était au 119e RI, né le 28 mars 1869 à Placé. Il était marié et avait trois enfants. Il est fusillé le 1er novembre 1915 à Méricourt-sur-Somme (Somme) pour abandon de poste en présence de l'ennemi. Eugène Bellanger avait 46 ans. Son cas est un peu particulier puisqu'il n'aurait pas dû être en unité combattante à cause de son âge. Il aurait dû faire partie des territoriaux, chez les "pépères", et non être engagé en première ligne.
Que signifie être fusillé dans la société française de cette époque ?
Dans le cas des trois Mayennais, et notamment sur les familles, je ne sais pas trop. Toutefois, je sais que certaines familles ne recevaient pas la pension, et les enfants n'étaient pas reconnus comme des pupilles de la Nation. On ne pouvait pas faire trop de réclamations car c'était une honte pour la famille.
En 1917, j'ai l'exemple d'une femme et de sa fille qui, en raison de la mort du mari et père, ne pouvaient sortir que la nuit dans le village. Un document officiel avait été remis à la mairie pour signifier que le mari avait été fusillé.
Pratique : L'auteur a sorti un livre, Je n'ai rien pu faire. Contact : 06 86 46 34 25 ou sur l'adresse mail viot-eric@orange.fr. Son blog : lesblessuresdelame.over-blog.com.
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