Dans leur journal de bord, les sœurs de la communauté de La Providence de Mayenne parlent à juste de titre de la Première Guerre mondiale comme un « temps d'horreur ». Mais dans l'obscurité, elles ont su apporter une lumière vitale à la ville, et même au département, le deuxième le plus meurtri par ce conflit.
À l'occasion des 105 ans de l'armistice du 11 novembre 1918, sœur Raymonde Chevalier, 86 ans et arrivée en 1954 à La Providence, Michel Soutif, 77 ans et Ami de La Providence depuis plus de 60 ans, et Philippe Vasseur, 54 ans et auteur du livre La Providence, 160 ans de veille à Mayenne, retracent l'histoire de la communauté entre 1914 et 1918.
Dans son ouvrage, Philippe Vasseur consacre un chapitre à cette période. Pour cela il s'est appuyé sur les archives des religieuses, et notamment sur le journal trimestriel interne de la maison de retraite de La Providence de juillet-septembre 2014. Dans leurs pages spéciales, les sœurs racontent la surprise qu'eurent leurs prédécesseurs 100 ans plus tôt lorsque le 2 août, « à huit heures du matin, un sous-officier se présenta au parloir et dit : 'Vous savez probablement que votre chapelle est réquisitionnée pour recevoir des soldats.' La sœur répond qu'elle n'en savait rien. La Supérieure prévenue lui fit la même réponse ».
Jusqu'à 70 soldats accueillis
Voilà La Providence embarquée dans quatre terribles années. La chapelle est réaménagée pour accueillir la cinquantaine d'hommes qui arrivent le soir même. « Nous étions éloignées du front, mais nous avons beaucoup accueilli, expose Raymonde Chevalier qui a connu des sœurs ayant vécu 14-18. C'était beaucoup de soldats blessés ou en repos, en convalescence. Ils ont participé à la vie religieuse. »
« La communauté a accueilli jusqu'à 70 soldats ! », précise Michel Soutif. « Nous avons continuellement des soldats », lit-on dans le journal. Entre l'accueil et les soins, les religieuses doivent se démultiplier. « Des sœurs sont allées jusqu'à l'ancienne caserne de Mayran, rue du 130e régiment d'infanterie [l'actuelle gendarmerie] », note sœur Raymonde.
Ce qui est aujourd'hui une maison de retraite déborde donc par moments. « Nous avons improvisé des lits partout, même dans le grenier », relève-t-on dans les archives. Les sœurs reçoivent ainsi des soldats jusqu'en février 1916. Mais elles tiennent leur titre d'hospitalières jusqu'au bout du conflit, en recevant notamment des réfugiés de guerre.
Raymonde Chevalier évoque l'histoire d'un combattant qui avait demandé l'asile pour sa famille qui habitait à Armentières, sur le front dans le Nord. « Cette ville soumise à des bombardements continus ne pouvait plus offrir de sécurité à ses habitants », ressassent les sœurs dans leur journal.
La difficulté de nourrir tout le monde
La famille arrive le 22 octobre 1916 et marque par son sens de l'aide. Meurtri par la perte de trois fils à la guerre, le père « rendit d'immenses services par son habileté dans toutes sortes de travaux ». Si ces gestes éclairent quelque peu La Providence, le quotidien est de plus en plus rude.
« La guerre continuant à sévir, la vie devint de plus en plus difficile par la cherté de toutes choses, témoignent les archives. En juin 1918, la Maison était au complet. La difficulté était grande pour se procurer des vivres. » Et quatre mois plus tard, la pandémie de grippe espagnole aggrave la situation. « Les sœurs furent sollicitées jour et nuit. »
Le 11 novembre, « ce fut une explosion de joie générale ! » Mais le bilan de ces quatre années est triste pour la communauté : sept religieuses, âgées de 34 à 54 ans, sont mortes, dont trois en 1916.
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