Les figures historiques du Bocage mayennais. Victor Quinton, l'enfant de paysans devenu évêque au Vietnam

Située au nord-ouest de la Mayenne, en marge de la Bretagne et de la Normandie, Carelles offre à ses quelque 280 habitants des paysages calmes et champêtres. Parmi les Carellais qui font l'histoire du village, il en est un qui se distingue très tôt par l'abondance et la précocité de ses qualités.

Né le 4 novembre 1866 au hameau de la Cointerie, le petit Victor Charles Quinton, fils de Joseph et de Victoire Garnier, agriculteurs, connaît toutes ses prières dès 3 ans. Sa marraine ajoute qu'il nommait déjà sa petite robe d'enfant sa "soutane".

De Tan Dinh à Thala

Élève à la mémoire heureuse, il commence à 10 ans l'étude du latin par les soins de l'abbé Arnoul de Carelles pour, avouera-t-il plus tard, annoncer au "bon Dieu et à la sainte Vierge" qu'il veut devenir prêtre. Il dédie ces vers à cette dernière : "Haute de trois pouces à peine/Ma madone de porcelaine/Me paraissait belle comme une reine/Sur son trône entouré d'azur/Très pur."

Sa vocation pour l'état religieux ne s'éteindra jamais, de son entrée au petit séminaire de Mayenne à sa mort en 1924. Tonsuré à 20 ans, il est ordonné prêtre à 23 pour être envoyé en Cochinchine occidentale (actuel Vietnam). De 1889 à 1924, il sillonne la colonie française de Saigon à Anduc, de Tan Dinh à Thala. Le père Quinton, utilisant le vietnamien aisément, sait se faire apprécier de ceux qu'il côtoie, aime ses élèves, se fait aimer d'eux et de ses confrères. Il a foi en la jeunesse qu'il instruit avec efficacité par son savoir-faire, sa bonne humeur. Il est tour à tout professeur de philosophie, procureur de la mission et s'occupe de l'infirmerie de ses confrères âgés. Il prend un soin tout particulier des jeunes gens et donne largement aux pauvres.

"Pour qu'ils puissent avoir la vie"

Devenu évêque en 1912, le voilà vicaire apostolique de Saigon. Grand travailleur, aimant lire et écrire, il prône sa rhétorique sur les devoirs des parents envers leurs enfants, s'intéresse à la formation des jeunes dans les écoles et ne lésine pas sur les nombreuses démarches présentes en France pour l'envoi en Cochinchine de maîtres capables de fonder des écoles supérieures.

Il fait de la locution "Ut Vitam habeant" ("pour qu'ils puissent avoir la vie"), sa devise épiscopale. En avril 1924, il est hospitalisé à Saigon. Les médecins le renvoient en France, où il meurt le 4 octobre de la même année à Bièvres (91).

D'une gaieté saine

Les notes retrouvées qualifient le père Quinton d'homme humble, pieux, timide, bon camarade, d'une gaieté saine, parfois boute-en-train, toujours de bon aloi, dévoué aux âmes simples et d'une charité peu ordinaire.

Son entrée au séminaire des Missions étrangères, à l'âge de 18 ans, sonne pareille à un adieu quasi-définitif à sa famille mayennaise, mais il semble que le petit Victor de la Cointerie a su garder sa vie durant les qualités rurales de sagesse et de bon sens qui ensemencent encore aujourd'hui la vie des Carellais.