Elle a subi de nombreux sévices entre ses 7 et 17 ans par son père, un gérant de bar mayennais, qui prétendait « s'occuper de son éducation sexuelle » pour assouvir ses pulsions perverses. Cet homme a été condamné à quatre ans de prison, dont trois avec un sursis probatoire, une obligation de soin et de travail, ainsi qu'une inscription au fichier des délinquants sexuels. À 19 ans, Laura* sort du silence pour raconter son histoire.
Quand avez-vous porté plainte ?
C'était en juin 2023. Nous voulions avoir un enfant avec mon compagnon et je voulais me libérer de ce poids avant d'être maman. Ça m'a pris une journée même si c'était la conséquence d'une accumulation. Depuis que je suis parti de chez mes parents, ma belle-mère me questionnait sur ce qui s'était passé, m'expliquant que j'aurais dû en parler plus tôt. Elle s'inquiétait surtout pour mon petit frère...
Quel impact a eu la décision de justice ?
Ce qui m'a vraiment libéré, c'est le fait qu'il ait reconnu les faits. Je n'attendais pas qu'il les nie. Il a promis qu'il ne s'était jamais rien passé avec mon petit frère. Il a dit avoir toujours gardé une distance avec lui pour ne pas lui faire subir ce qu'il m'a imposé.
Quels souvenirs avez-vous des sévices qui vous ont été infligés ?
Je ne sais plus trop... Cela ressemble à des flashs. À l'âge de deux ans, ma maman a fait une tentative de suicide, je m'en souviens en une image, sans les détails. Pour les actes de mon père, c'est pareil. Je pense que j'ai vu voulu oublier et refouler. Seules des images sont restées et j'ai fini par en parler. On ne se souvient pas forcément comment c'est arrivé, comment ça s'est terminé... Quand il a reconnu les faits, il a avoué des choses dont je ne me souvenais pas. Il a complété avec des détails : j'ai appris de nouvelles choses en lisant la procédure.
Quand vous êtes vous aperçue que cette situation n'était pas normale ?
Quand j'ai commencé à grandir, je me disais que ce n'était pas normal. Au bout d'un moment, ça s'est arrêté car j'ai parlé à ma belle-mère. J'avais écrit une chose dans mon journal intime et elle était tombée dessus : ils s'étaient disputés avec mon père à ce sujet. J'étais assez choquée qu'elle ait lu mon journal intime, ça ne m'a pas aidé à me confier. Comme c'était la figure paternelle, je ne savais trop quoi dire, ni comment réagir. Il a bien précisé dans son audition que j'étais réticente et que je disais souvent « non ». Quelquefois, je me dis que je n'ai pas su assez m'affirmer car malgré le fait que je dise non, il continuait... Je pense que je ne pouvais pas faire grand-chose mais je me dis quand même que j'ai laissé faire. Cette culpabilité, je l'éprouve encore.
En voulez-vous à votre père ?
Je lui en veux car ses actes ont de nombreuses conséquences aujourd'hui. On m'a reproché d'avoir brisé la famille avec le dépôt de plainte. Je ne vois plus mon petit frère de 12 ans et c'est ce qui me fait le plus mal car nous étions très fusionnels auparavant. Ma famille me reproche d'avoir trouvé quelqu'un et d'être heureuse. Le jour où mon père m'a viré de la maison à cause de ma relation avec mon compagnon, ça a été le déclencheur.
Comment arriviez-vous à faire la part des choses ?
Quand il se passait ces actes avec mon père, j'étais surtout assez gênée. Au tout début, quand j'avais sept ans, je ne comprenais pas vraiment. Ça m'interpellait quand même et c'est pourquoi je ne disais rien car j'essayais d'analyser de mon côté. Quand ça s'est arrêté, entre 14 et 18 ans, on n'en a jamais parlé et j'ai continué à vivre sous son toit. Je n'y pensais pas beaucoup mais ça a mis une distance entre mon père et moi : le moindre regard qu'il posait sur moi me faisait peur. Un jour, mon petit frère a dû aller à l'hôpital. Je suis restée seule avec mon père, il a voulu me consoler et j'étais gênée : le moindre contact me provoquait une gêne.
*Le prénom a été modifié.
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