Première femme élue à Évron
En 1944, les femmes françaises obtiennent enfin le droit de vote, qui se concrétise dans l'urne pour la première fois lors des élections municipales des 29 avril et 13 mai 1945. Sur 57 candidats à Évron, six sont des femmes. La seule élue au conseil est Mlle Suzanne Martinière, présentée sur le bulletin de vote comme déportée politique. Domiciliée rue de la Perrière avec ses parents et ses frères, Suzanne travaillait comme auxiliaire à la préfecture de Laval.
Félicitée, elle est nommée membre des commissions des fêtes, des chaussures et des finances lors de la séance du 17 mai 1945. Son élection sera de courte durée. Suzanne étant en déportation, sa situation ne peut être régularisée. Son élection est annulée par le conseil interdépartemental de Rennes le 7 juin 1945 car "une fonctionnaire de la préfecture ne peut pas être élue sur le territoire où elle exerce sa fonction".
Qui est Suzanne Martinière ?
Fille d'Amélie et Constant Martinière, mariés le 23 août 1918 à Coudray, Suzanne, aînée d'une fratrie de sept enfants, naît le 28 mai 1919. Amélie, institutrice, et Constant, directeur d'école publique de garçons, sont domiciliés à Évron au recensement de 1936 (d'après les archives départementales). Institutrice suppléante au début du conflit, Suzanne refuse d'afficher le portrait du maréchal Pétain dans sa classe. "Elle part avant d'être démise au regard de ses prises de position", témoigne son mari.
Elle intègre la préfecture, le service des cartes d'identité. Ayant accès à certaines informations, elle s'engage dans la résistance en janvier 1942. Elle fabrique des faux papiers pour les réfractaires au STO, les prisonniers de guerre évadés et les résistants. Elle centralise également les tickets de rationnement pour les redistribuer aux réfractaires. Elle est arrêtée sur dénonciation le 23 janvier 1944 à Laval.
Déportée politique
Le 18 avril 1944, elle est dans le convoi I.204 vers Ravensbrück. Elle y arrive le 23 avril. Sous le matricule 35418, elle est affectée au kommando de Watenstedt le 7 juillet 1944 pour effectuer des travaux de terrassement pour la voie ferrée, de déblaiement après les bombardements d'usines par les Alliés. Le 9 avril 1945, elle revient au camp principal de Ravensbrück, jusqu'à sa libération le 23 avril 1945 par la Croix Rouge suédoise.
Évacuée, elle est rapatriée le 6 juillet 1945 vers l'hôtel Lutétia à Paris et ensuite accueillie à Évron. Elle reçoit la médaille de la résistance en 1946.
Témoignage
Fernand Fleuriot, 93 ans, évoque son épouse. "Elle sortait sa médaille de résistante lors des cérémonies patriotiques. Elle était amère du manque de considération pour son activité de résistante par les amicales d'anciens combattants, elle qui a côtoyé Geneviève de Gaulle et Germaine Tillon lors de sa déportation. Elle attribuait cette non-reconnaissance au fait d'être une femme de l'ombre. Si elle a été inscrite sur une liste électorale à Évron, ce fut certainement avec l'accord de sa famille."
Au retour de déportation, épuisée mais vivante, elle reprend un poste d'institutrice et, après quelques remplacements, est mutée à Lavernat. "Reçue à l'École Normale mais recalée à la visite médicale, elle a résisté à la déportation, ironise son mari. C'est à Lavernat qu'on s'est connus et sa plus grande joie fut la naissance de notre fils Yvon, le 23 avril 1959. Suzanne est décédée en 2013."
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