Les stores sont baissés. Un fumet de chocolat chatouille agréablement les poils de nez, alors qu'une musique aux notes basses et harmonieuses résonne doucement dans les oreilles. Dans un salon dans lequel sont installés un canapé et deux fauteuils bien rembourrés, Marie-Françoise Néel discute avec Annick, 59 ans et atteinte d'une forme de démence.
De la voix de celles et ceux qui savent écouter et veulent aider, elle prend des nouvelles de sa patiente, qui est presque une amie tant les deux sourient et rient ensemble. L'aide-soignante de 68 ans aborde aussi le rude passé d'Annick. Ancienne nourrice agréée, la rupture avec son ex-mari a été terriblement compliquée, la menant à être sujette à des crises de cris.
Une poupée avec un cœur qui bat
Nous sommes en pleine séance de thérapie au sein de la résidence Saint-Georges-de-L'Isle à Saint-Fraimbault-de-Prières. Cet établissement bâti en 1627, accueille un Ehpad, et un foyer de vie à destination de personnes en situation de handicap. Engagée ici depuis 2000, d'abord bénévolement, puis à mi-temps, Marie-Françoise a amené des méthodes rares et innove encore aujourd'hui.
À Annick, elle a d'abord confié une poupée aux cheveux frisés et à la robe orange. Ce n'est pas un jouet comme les autres. Cette fillette est à taille et poids de bambin. Surtout, une puce fait battre son thorax comme un cœur paisible. Successivement, la résidente de « Saint-Georges » la prend comme un bébé, comme une fille sur les genoux et fort contre sa poitrine.
Marie-Françoise avec Annick. - Théo Duchet
Malgré notre présence, elle se confie pendant que Marie-Françoise lui caresse sans cesse son dos, ses épaules, ses cheveux… « J'aime la musique. J'aime bien faire des câlins. Ah oui, j'ai beaucoup d'amour à donner, ça, j'adore ! Mes enfants habitent loin, j'espère les revoir bientôt. »
La séance se termine au bout d'environ 45 minutes - la durée dépend du patient, de son besoin du moment. Annick n'a pas crié une seule fois. L'aide-soignante se dévoile alors. Son sourire, qu'elle a réussi à transmettre à celle qui rejoint ses camarades, ne faiblit pas. « Quand je partirai à la retraite, ce sera un déchirement. »
Un savoir unique dans le Grand Ouest
Celle qui est retraitée de la fonction publique depuis 1995 ne pense absolument pas à faire valoir la totalité de ses droits. « On ne peut pas imaginer tout ce qu'ils peuvent nous apporter. Beaucoup me demandent comment je fais pour ne pas être épuisée avec des personnes en situation de handicap. Mais, justement, avec eux, ce n'est que gentillesse. Et j'ai envie de transmettre. »
L'ancienne monitrice éducatrice au foyer de vie Blanche Neige de Bais est la seule à être diplômée en Pouponthérapie® dans le Grand Ouest. « C'est une pratique avancée de la méditation par les poupées d'empathie, les bébés réalistes, ou encore les peluches sensitives. »
Marie-Françoise a eu cette poupée qui a un cœur qui bat en cadeau de sa fille. - Théo Duchet
Native de Gorron, Marie-Françoise s'est formée à ce savoir à l'âge de 66 ans. Avant, en 2010, à son souhait de se former au bien-être, la direction de « Saint-Georges » lui avait proposé le Snoezelen. Dans cette « pratique non directive », « l'objectif est le bien-être du résident, dans la liberté du choix et le respect du rythme. On y fait appel aux cinq sens ».
Des rayons de soleil
« Si cela marche, c'est parce que j'ai une hiérarchie et des collègues qui adhèrent, tout comme les familles. Ici, on nous laisse faire des prises en charge individuelles. On nous laisse le temps. » Tous les lundis, mardis et vendredis, elle vient donc s'épanouir et donner.
« J'ai besoin de donner. Mon mari est mort dans un accident et l'un de mes deux garçons d'un arrêt cardiaque. Accompagner, ça fait du bien. » Accompagnée, Marie-Françoise l'est aussi. « Ma fille de 30 ans et mon garçon de 33 ans sont mes rayons de soleil. »
Rayon de soleil ? Isabelle Leroy, directrice de l'établissement, utilise justement le même terme pour définir celle qui n'est « pas dans le futur ». « Elle est toujours positive et vient toujours avec son sourire », décrit-elle. Et c'est loin d'être fini… « Il doit bien y exister une autre formation pour moi ! J'aimerais beaucoup la sophrologie, l'hypnose… », s'amuse la Mayennaise.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.