Judo, natation, haltérophilie, karaté, course à pied… La vie de Philippe Bourdin est rythmée par le sport depuis sa plus tendre enfance. Des activités physiques individuelles, "comme ça, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même quand ça ne va pas", commente le Lavallois.
Seulement, en devenant mal voyant avec le temps, "une déficience visuelle héréditaire" qui lui engendre aujourd'hui une vision évaluée à 1 sur 10 sur chaque œil, le septuagénaire doit s'adapter pour garder cette adrénaline sportive qui a été le fil rouge de sa vie. "Je vois votre silhouette, mais je ne vois pas les détails, décrit le Mayennais. Les cellules se meurent depuis 30 ans donc c'est progressif, assez doux."
"Je n'ai jamais voulu entrer dans le handisport"
Nageur plus jeune, Philippe Bourdin a retrouvé les bassins en 2010 au Laval Aquatique Club alors qu'il était âgé de 57 ans. Avec quatre entraînements par semaine, "toujours en extérieur du 1er janvier au 31 décembre", deux avec son club et deux individuels, l'ancien banquier a trouvé le moyen d'occuper sa retraite. "Je n'ai jamais voulu entrer dans le handisport, j'aurais pu, mais comme je me débrouille en valide je n'ai pas eu ce besoin", explique le nageur de la catégorie master.
Et quelle réussite. Comme lorsqu'il a terminé ses sept marathons, avec en point d'orgue l'ultra-trail de la diagonale des fous en 1999 sur l'île de la Réunion, une des courses les plus difficiles du monde, Philippe Bourdin ne fait pas les choses à moitié. Le licencié du LAC est aujourd'hui multiple champion de France de natation et peut se targuer d'avoir participé aux championnats du monde à Montréal en 2014. En 2013, ses partenaires lui disent : "Tu sais que tu fais les minima pour participer aux championnats du monde ?" Le Lavallois a donc redoublé d'efforts pour ne "pas paraître ridicule".
Des défis, en tant que sportif…
Si les nombreuses médailles glanées sur les quatre nages (la brasse, le crawl, le dos crawlé et le papillon) en quinze ans de compétition montrent son aisance dans l'eau et une certaine rigueur, le handicap de Philippe Bourdin refait souvent surface. Pourtant, avec les années d'expérience, le champion a su trouver les bons filons pour ne pas être trop pénalisé.
"Lors des championnats de France au Puy-en-Velay en 2023, j'ai participé à cinq épreuves et j'ai obtenu cinq médailles"
"On s'arrange entre copains, soit je pars le premier en entendant le coup de sifflet, soit on me fait une tape sur le mollet, s'amuse-t-il. Pour garder ma ligne d'eau, je regarde le fond de la piscine et il y a une ligne de carreaux plus foncés, ça, je le vois. J'ai aussi des difficultés à sortir de l'eau quand il y a six ou sept couloirs et que je me retrouve au milieu, il faut vite sortir mais on se débrouille."
Le retraité n'est pas amer lorsqu'il parle de son handicap, transmis "par sa grand-mère puis sa mère", et en tant que compétiteur, il en a même fait une motivation supplémentaire pour performer et se prouver qu'il avait les capacités de rivaliser avec les valides. "Inconsciemment, je pense que c'est un peu une revanche que je prends, confie le Ligérien. Lors des championnats de France au Puy-en-Velay en 2023, j'ai participé à cinq épreuves et j'ai obtenu cinq médailles."
Mais également au quotidien
La plus grosse difficulté ne se trouve pas dans l'eau, mais sur la terre ferme, où l'aveuglement ne permet pas à Philippe Bourdin de mener une vie normale. "Je préfère sortir et prendre le risque de me casser la gueule une fois par an, plutôt que de rester chez moi à longueur de journée et ne plus prendre de risque, livre-t-il. Je ne conduis plus depuis que j'ai 50 ans. Les copains passent me prendre avant d'aller l'entraînement ou alors je prends le bus. Pour lire le journal, je dois faire un effort et zoomer au maximum pour lire quelques lignes. Quand l'article est trop long, j'utilise l'option vocale. La technologie sert beaucoup aux mal voyants."
"Il y a deux solutions, on se lamente et on reste chez soi, ou on va de l'avant"
Après avoir commencé sa vie avec une vision parfaite, Philippe Bourdin sait qu'il risque de la terminer avec des capacités minimes sur les deux yeux. "Il y a deux solutions, on se lamente et on reste chez soi, ou on va de l'avant".
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